Data Intelligence B2B – Comment augmenter l’identification des visiteurs pour mieux personnaliser ses communications ?

Les 23, 24 et 25 octobre se tenait au Grand Palais de Lille l’évènement CONEXT, un rendez-vous professionnel dédié à la retail intelligence. L’une des conférences a porté sur l’identification des visiteurs anonymes en B2B. Comment identifier les entreprises anonymes qui visitent un site web B2B ? Comment influencer les décideurs avant le contact avec un commercial ? Pour répondre à ces questions, deux intervenants que nous connaissons bien :

  • François Goujon, Directeur marketing digital de Conrad, un distributeur essentiellement B2B d’électronique spécialisée.
  • Yassine Hamou Tahra, Directeur de mission CustUp et fondateur de Listflow, une solution de marketing B2B.

Cet article est un compte-rendu de la conférence.

conext

Le contexte et les enjeux autour de l’identification des visiteurs web en B2B

Pour cadrer le sujet, Yassine Hamou Tahra a commencé par rappeler quelques éléments de contexte. Ils sont, pour l’essentiel, au nombre de trois :

  • Les clients sont plus matures, plus informés. On estime aujourd’hui que 57% du parcours d’achat est déjà effectué avant le premier contact (Source : Harvard Business Review). Les clients, quand ils prennent contact avec une société, sont déjà très informés et beaucoup plus matures que par le passé. Résultat : en général, lors du premier contact, le lead connaît bien mieux l’entreprise (son offre, ses produits, ses services) que l’inverse.
  • Le nombre de décideurs est croissant. Parfois 5, 10 voire 15 personnes sont impliquées dans les circuits de décision. Le nombre de décideurs a, en moyenne, augmenté de 40% au cours des 4 dernières années (Source : IDC 2015). Pour convertir un client B2B, l’entreprise doit identifier les bons décideurs et obtenir un consensus.
  • La démarche d’information est très souvent anonyme. Environ 95% du trafic sur les sites web B2B est anonyme. Dans ce contexte, il est très difficile de savoir qui s’est informé, qui a visité le site, etc.

Ces constats dessinent les grands enjeux liés au marketing B2B. Ils sont au nombre de deux, comme l’a rappelé François Goujon :

  • Réussir à identifier les entreprises / les décideurs anonymes qui visitent le site web.
  • Réussir à influencer les nombreux décideurs avant le contact avec un commercial.

Améliorer le taux de visiteurs identifiés est un challenge, mais aussi un levier pour :

  • Personnaliser l’expérience online et améliorer les taux de conversion (par exemple le taux de remplissage des formulaires).
  • Savoir où en est le client dans son processus d’achat au moment de le contacter.
  • Recibler les visiteurs par du Display (popup…) ou de l’outbound marketing (email, télémarketing).

Comme l’a souligné François Goujon, la personnalisation a un intérêt à toutes les étapes des parcours clients, de la génération de leads à la fidélisation client en passant par la réactivation des clients « endormis ».

Yassine Hamou Tahra a expliqué ensuite que les évolutions en matière d’identification des visiteurs anonymes s’inscrivaient dans le contexte de l’émergence d’une nouvelle approche en marketing B2B : l’ « Account Based Marketing », ou ABM. Cette approche se fonde sur un constat simple : dans la plupart des business B2B, 20% des clients représentent 80% du chiffre d’affaires. Tous les clients ne se valent pas. Il faut prendre en compte cette réalité dans l’allocation des ressources marketing, en consacrant 80% des efforts marketing sur ces 20% de clients.

Comment, concrètement ? En commençant par définir ces clients à fort potentiel, par les lister en détail, en précisant, pour chaque entreprise, l’ensemble des décideurs intéressants. L’idée, ensuite, est de mettre en place des actions marketing ultra-ciblées sur ces comptes et décideurs clés. Cela passe essentiellement par du reciblage après la visite sur le site. Les actions de reciblage peuvent prendre plusieurs formes : envoi d’un email, affichage de publicités sur des sites tiers, déclenchement d’une popup sur le site ou d’un tchat lors d’une session ultérieure.

Il est possible également de faire de la personnalisation on-site. Cette pratique est encore très peu développée ; elle permet pourtant de personnaliser l’expérience et le parcours des visiteurs. La personnalisation peut consister, par exemple, dans l’ajout d’un lien de rendez-vous dans le footer ou sous forme de bandeau en haut de la page.

Les techniques d’identification des visiteurs s’inscrivent pleinement dans cette approche « ABM » du marketing. Mais justement, quelles sont ces techniques ?

Deux techniques d’identification des visiteurs anonymes : IP Based VS Cookie Based

Pour l’essentiel, il existe deux techniques pour identifier les visiteurs anonymes d’un site web B2B. Yassine a pris le temps de les décrire en détail.

L’approche classique : l’IP Tracking

La première technique est basée sur l’exploitation des adresses IP. A partir de l’adresse IP des visiteurs du site, il est possible d’identifier le fournisseur de l’adresse et, quand il s’agit d’une grande entreprise, l’entreprise à laquelle a été attribuée l’IP. Si l’on entre un peu plus dans les détails :

  • Dans un premier temps, l’idée consiste à enregistrer les adresses IP de tous les visiteurs. D’un point de vue technique, il suffit pour cela d’intégrer un script sur le site qui fait ensuite remonter les adresses à l’outil utilisé pour l’exploitation des IP.
  • Il faut ensuite voir si l’entreprise identifiée par l’IP correspond à une entreprise connue, via des base de données partenaires ou via de la géolocalisation et du matching. On peut en effet géolocaliser une adresse IP de manière relativement précise et la faire matcher avec une entreprise connue à partir du répertoire Sirene.
  • On peut ensuite enrichir les informations sur chaque entreprise via la base Sirene toujours ou via des partenariats (DNB, Kompass…).
  • La dernière étape consiste à identifier, pour chaque entreprise, les contacts potentiels, les décideurs clés dans l’entreprise. Plusieurs outils le permettent : Clearbit, Hunter, ListFlow, etc.

L’approche moderne Cookie Based

Cette approche est plus complexe mais son potentiel est plus élevé. Elle suppose l’utilisation d’une plateforme de stockage de toutes les visites anonymes : une DMP (Data Management Platform) ou une CDP (Customer Data Platform). Cette technique se décompose en plusieurs étapes :

  • Un cookie est déposé sur chaque visiteur du site B2B.
  • Les cookies peuvent éventuellement être enrichis, soit en utilisant des cookies partenaires, soit en onboardant la base CRM. Dans ce dernier cas, on associe les cookies aux contacts stockés dans la base CRM.
  • A partir de là, on va pouvoir enregistrer et stocker à la fois :
    • Les logs des visiteurs anonymes.
    • Les logs des visiteurs identifiés.
  • On matche les deux. Dès qu’un visiteur s’identifie, on associe le cookie aux données personnelles, on stocke cette association afin que, lors d’une visite ultérieure du visiteur, on puisse l’identifier avant même qu’il ne se connecte. Cela permet de déclencher à l’arrivée sur le site une popup, une invitation à prendre un rendez-vous, à faire un devis, un tchat ciblé, etc.

Quid de la RGPD ?

François est ensuite revenu sur les enjeux associés au nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD, ou GDPR en anglais). Dans le contexte du B2B, et plus particulièrement de la prospection B2B, la personne doit, au moment de la collecte de son adresse email :

  • Etre informée qu’il sera utilisé à des fins de prospection,
  • Etre en mesure de s’opposer à cette utilisation de manière simple et gratuite.

Par ailleurs, l’objet de la sollicitation doit être en rapport avec la profession du destinataire.

Il faut savoir aussi que le consentement préalable n’est pas obligatoire pour envoyer des emails de prospection. L’opt-out reste la règle. En revanche, le consentement est obligatoire pour stocker les données personnelles d’un professionnel. Les « données personnelles » englobent toutes les informations identifiant directement ou indirectement une personne physique : nom, prénom, téléphone, email…Dans la mesure où le cookie donne accès indirectement à des données personnelles (email par exemple), il est lui aussi concerné par l’obligation du consentement. Par contre, les emails génériques de type « info@nomsociete.fr » ou « contact@nomsociete.fr » sont des coordonnées de personne morale. Ils ne rentrent donc pas dans le périmètre du GDPR.

Comme l’a résumé François, le consentement doit être préalable à la pose de cookies et au stockage des IP.

Quelles solutions utiliser pour mettre en œuvre ces deux approches d’identification des visiteurs ?

Le choix de la solution technologique dépend évidemment du type de technique que l’entreprise souhaite mettre en œuvre. Pendant la conférence, Yassine a proposé trois solutions pour chacune des deux approches : IP et Cookie Based.

3 solutions pour l’approche IP Based

  • Jabmo, le leader français de l’Account Based Marketing, créé par le fondateur d’EmailVision. Cette solution complète, 360, permet à la fois d’identifier les visiteurs anonymes et d’activer les contacts identifiés : personnalisation on-site, publicité & retargeting, content marketing ciblé…
  • GetQuanty, une solution ABM assez complète elle aussi, mais davantage orientée PME et ETI et plus légère sur la partie « activation » (retargeting, personnalisation onsite). L’éventail de services est moins grand que celui proposé par Jabmo. En même temps, comme l’a rappelé Yassine, beaucoup de clients de cette solution sont des PME et ont des sites web à faible trafic. Ils utilisent surtout GetQuanty pour récupérer des informations et ensuite les exploiter dans des campagnes d’outbound : appels téléphoniques, emails de prospection.
  • Lead The Way, lancé récemment par Cartegie, une société spécialisée en marketing B2B. La solution est plus accessible et plus simple d’utilisation que les deux précédentes, mais le taux d’identification est plutôt bon. L’outil dispose de bases de données (entreprises et contacts professionnels) solides. En revanche, Lead The Way ne propose pas de services pour activer les données.

lead the way

Nous vous invitons à découvrir notre série de publications dédiée au sujet de l’Unification des Données Clients B2B.

3 solutions pour l’approche Cookie Based

  • Squadata – « Easy DMP ». SSII spécialisée en Data Marketing, Squadata a lancé une offre « Easy DMP » assez compétitive. Il s’agit d’une plateforme Data plutôt complète pour stocker et identifier les logs anonymes et les réconcilier avec la base CRM.
  • Hull.io, qui est une Customer Data Platform (CDP) B2B. Yassine en a profité pour faire un petit point très intéressant sur la notion de CDP. A l’origine, comme il l’a rappelé, les DMP se sont construites avec une approche media. Le but était de collecter des logs anonymes pour être en mesure de créer des segments à fort potentiel retravaillés ensuite en display. Avec le temps, deux familles de DMP ont émergé : les DMP media (comme Weborama) et les DMP qui se sont qualifiées de Customer-centric, car ayant la capacité de stocker les données CRM et d’associer les logs à ces données. Ce sont ces DMP Customer-centric que l’on appelle aujourd’hui « CDP ». Pour approfondir ce sujet des CDP, nous vous invitons à lire notre article « Customer Data Platform : Définition et différences avec le CRM et la DMP». Hull.io est l’une des premières CDP B2B. Comme une DMP, la plateforme stocke toutes les visites qui passent par le site. Elle se branche à la base CRM et éventuellement aux autres bases SI de l’entreprise (ERP…). Toutes les données sont ensuite réconciliées. Hull.io est particulièrement performant pour réconcilier les données issues des outils web et créer des master profiles.
  • ListFlow, un outil développé par le cabinet de conseil Cartelis, cofondé par Yassine. Le fonctionnement de ListFlow est similaire à celui des deux autres outils, mais avec une approche centrée sur le lead. Yassine qualifie d’ailleurs ListFlow de Lead Data Platform. Comment fonctionne l’outil ? Lorsqu’un visiteur est identifié (par son IP ou par son email s’il l’a donné lors d’une précédente visite), ListFlow enrichit le Data Layer, dont les informations peuvent ensuite être exploitées sur Google Tag Manager ou Google Analytics afin de personnaliser le site web et les scénarii CRM. Les données récupérées par ListFlow (comportementales essentiellement) peuvent aussi être envoyées au CRM. Plus généralement ListFlow permet de nettoyer, d’enrichir, de dé-dupliquer, de scorer et de répartir les leads entre les commerciaux. L’outil se présente comme une base marketing complète basée sur les logs Analytics.

listflow

Un cas d’usage d’identification des visiteurs anonymes B2B

François a ensuite pris la parole pour rentrer dans le concret et présenter deux cas d’usage. Le premier, celui dont nous allons parler, est une expérience menée par Conrad et onze autres sociétés appartenant au Club B2B. L’objectif de cette expérience imaginé par CustUp était de tester trois approches pour augmenter le taux d’identification des visiteurs du site web B2B de Conrad :

  • Une base de données mutualisée agrégeant les informations sur les visiteurs des douze sociétés participant au test. Un matching a été réalisé entre les visiteurs de Conrad et ceux des onze autres sociétés. Cela a permis d’obtenir un taux d’identification de 0,8%. Un taux plutôt décevant.
  • Un matching entre les données visiteurs de Conrad et des données tierces issues d’une méga-base de cookies partenaires (Squadata). Cette approche a permis d’obtenir un taux d’identification de 7,8% supplémentaire.
  • Une troisième approche a consisté à identifier les visiteurs du site Conrad à partir de la base de données de Conrad (historicisant tous les cookies, c’est-à-dire les données relatives aux anciens visiteurs, prospects ou clients de Conrad). Clairement, c’est cette dernière approche qui a présenté les meilleurs résultats. L’expérience a permis d’obtenir un taux d’identification des visiteurs anonymes de 14%.

Au total, ces trois approches ont permis d’augmenter le taux d’identification de 23%. L’expérience a aussi été réalisée pour les 11 autres sociétés, avec un taux d’identification moyen de 19%. Comme l’a expliqué François, la conclusion à tirer de cette expérience est simple : il faut d’abord chercher à identifier ses propres visiteurs pour augmenter le taux de match – ce qui passe par l’utilisation d’une mini-DMP.

Conclusion

François Goujon a ensuite résumé les 3 briques d’un plan d’actions pour identifier les visiteurs anonymes d’un site web B2B et en exploiter les données :

  • Identifier les visiteurs anonymes, en utilisant une solution externe, une solution interne ou une solution mixte.
  • Scorer les leads afin d’identifier ceux à plus fort potentiel de conversion et de revenus. Des actions de Lead Nurturing peuvent être mises en place, via des scenarii de Marketing Automation par exemple, pour « chauffer » les visiteurs grâce à du contenu et développer leur engagement.
  • Agir, par des actions marketing on site et/ou off site : personnalisation, reciblage, emails de prospection, appels de prospection…

plan actions identification visiteurs

En conclusion, le Directeur marketing digital de Conrad a rappelé que l’identification était un domaine naissant, surtout en B2B, mais un domaine prometteur. Elle permet de contacter plus de visiteurs avec un discours plus personnalisé. Il a également fait remarquer que les cookies permettaient d’identifier les visiteurs avec plus de précision que les techniques basées sur l’IP.

Yassine en a profité pour expliquer que le choix de la technique reposait aussi sur un choix d’architecture. L’approche IP est beaucoup plus simple à mettre en place, mais « la stack marketing moderne, ce n’est plus d’utiliser Salesforce comme base de données et comme CRM d’activation, mais de dissocier ces différents outils pour avoir une base marketing indépendante ».

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Compte-rendu rédigé par Jordane Feuillet.

Compte-rendu rédigé par Jordane Feuillet.