Dynamiser une destination touristique grâce aux données clients – L’exemple de Val d’Isère (1/2)

La station Val d’Isère a entrepris une démarche à la fois ambitieuse et pragmatique d’harmonisation des données clients, avec 3 objectifs : améliorer les performances commerciales, améliorer l’expérience des clients et, sur le long terme, nourrir la préférence des clients pour la station Val d’Isère.

Nous sommes partis à la rencontre de Christophe Lavaut, Directeur général de Val d’Isère Tourisme, pour un retour d’expérience sur ce projet baptisé “Val Data”. La retranscription de cet échange intéressera tous les acteurs du tourisme qui envisagent de concevoir et déployer une démarche d’exploitation des données clients. 

CustUp, cabinet de conseil en CRM et Données Clients, a accompagné Val d’Isère dans la réalisation et la réussite de ce projet. Nous sommes en cours de production d’une série d’interviews auprès d’acteurs ayant déployé une Customer Data Platform B2C pour mieux exploiter les données clients. 

Les raisons qui ont amené la station Val d'Isère à déployer une démarche Données Clients

– Au terme d’un long et fructueux processus sur lequel je reviendrai, les acteurs du projet de mutualisation des Données Clients Val d’Isère se sont accordés sur 3 objectifs

  • Optimiser les performances commerciales.
  • Améliorer l’expérience des clients.
  • Nourrir la préférence client pour la station Val d’Isère sur le long terme.

Ce sont ces 3 objectifs qui ont justifié le déploiement du projet “Val Data” et abouti à la décision de déployer la Customer Data Platform imagino.

projet cdp val isere objectifs

Objectifs du projet Data/CDP Val d’Isère.

L’environnement Val d’Isère : une gouvernance éclatée

– Une station comme Val d’Isère est une entreprise touristique, avec les mêmes enjeux commerciaux que n’importe quelle entreprise privée. Elle a besoin de fidéliser ses clients, de les informer, de nourrir avec eux une relation et de maintenir le contact avec les clients existants en développant des offres promotionnelles.

L’enrichissement de la relation clients implique de connaître ses clients, de savoir d’où ils viennent, ce qu’ils consomment, les produits qu’ils aiment. Lorsque l’on est une entreprise de tourisme, la mise en place d’une stratégie centrée sur les données clients est plus difficile car le modèle de gouvernance d’une station est éclaté.

Dans une station de skis comme Val d’Isère, ces acteurs multiples, que l’on appelle chez nous “socio-professionnels” sont : 

  • Les entreprises purement commerciales, comme par exemple l’entreprise en charge de la gestion des remontées mécaniques du domaine skiable et dont le rôle est de vendre des forfaits.
  • Les acteurs politiques : les élus, le maire, l’équipe municipale confrontés à des enjeux de tourisme, mais aussi à des enjeux communaux classiques : la piscine municipale, les écoles, les aires de jeu…
  • Les commerces locaux : établissements hôteliers, restaurants, loueurs d’équipements sportifs…
  • Les structures comme Val d’Isère Tourisme qui englobe l’Office de Tourisme mais gère également des équipements publics.

Les objectifs de chacun de ces acteurs sont multiples, différents, parfois convergents, parfois divergents.

projet cdp val isere partenaires

Partenaires de la station Val d’Isère.

Le rôle de Val d’Isère Tourisme est de développer l’attractivité de la station et la préférence auprès de la clientèle touristique. Cela suppose de développer des programmes de marketing relationnel, digitaux ou non, pour inciter les clients à venir ou revenir. Or, comme je le disais à l’instant, c’est une tâche difficile car Val d’Isère Tourisme n’a pas la maîtrise de l’ensemble des données sur les clients Val d’Isère. Or, ces données sont le carburant du marketing relationnel.

A l’origine du projet, impulsé par Val d’Isère Tourisme, il y a donc eu cette volonté d’harmoniser les besoins et objectifs des différents acteurs au service de développement de la destination, de mettre en place un outil et une méthodologie collective de marketing relationnel en unifiant les données clients détenues par les différents acteurs.

Les clés de succès du projet Val Data

1 - Ne pas commencer par parler d’emblée “outils” et “mutualisation des données”

– Chez Val d’Isère, cela faisait 10 ans que l’on parlait de projet de mutualisation. Tous les deux ans, que ce soit du côté de l’Office du Tourisme ou des remontées mécaniques, un projet clés en main de mutualisation des données était proposé.

Pour des raisons diverses, ces projets n’ont pas abouti.

A mon sens, la première clé de succès est de ne pas commencer à parler outils et mutualisation des données. Nous avons commencé par réunir les partenaires potentiels autour de la table avec une feuille et un crayon pour identifier les objectifs, les résultats à atteindre qui répondent à leurs propres besoins et ensuite définir les contours du projet : pilotage, financement…

Télécharger le livre blanc Customer Data Platform B2C

Télécharger le livre blanc Customer Data Platform B2C

CDP en pratique : Zoom sur 7 cas d’usage de la Customer Data Platform B2C

En recevant le Livre Blanc, je confirme accepter le traitement de mes données personnelles par les coauteurs CustUp et Imagino, pour permettre la réception de celui-ci et de communications complémentaires en lien avec celui-ci. Mes données seront traitées conformément à la Déclaration de confidentialité.

2 - Formuler et travailler le projet en collectif

– Nous avons tenu dès le départ à travailler de manière collective et en partant des besoins et objectifs de tous les partenaires potentiels.

C’était aussi une manière de préparer le terrain et de faire en sorte qu’au moment de passer en phase opérationnelle, on n’ait plus de questions à se poser sur la gouvernance, les orientations, les responsables, le partage des financements, etc.

Nous avons consacré 10 mois, accompagnés par CustUp, à définir clairement les objectifs du projet. Au début, nous avons identifié une quarantaine d’objectifs différents. Nous avons réussi à affiner pour atteindre 3 objectifs partagés.

Une fois les finalités du projet définies, s’est posée la question de la gouvernance. Comment gérer le projet, distribuer les rôles, définir l’implication de chaque partenaire ? Nous avons tenu à ne sélectionner que des acteurs neutres, en excluant sciemment de la gouvernance du projet les acteurs privés ayant des intérêts non collectifs. Tout a été dûment contractualisé. Cela nous a permis de partir sur de bonnes bases.

3 - Faire la preuve par le pilote

– Après avoir sélectionné la plateforme logicielle d’unification des données clients (imagino), nous avons tout de suite mis en place une phase pilote, un “PoC” (Proof of Concept) pour tester, affiner, ajuster avant de généraliser le déploiement.

Nous avons conçu et testé deux scénarios de marketing automation exploitant les données de 5 bases unifiées : un scénario de bienvenue et un scénario promotionnel.

Nous nous sommes donnés du temps. Ce temps investi est largement gagné par la suite… Cette étape de “test & learn” nous a permis de valider les hypothèses et d’affermir la confiance dans le projet.

4 - Intégrer la diversité des acteurs et de leurs niveaux de maturité marketing

Le niveau de maturité des acteurs du projet en matière de marketing et de pratique commerciale était très disparate. Certains possédaient une équipe marketing à part entière, avec des budgets alloués, des outils propres (data lake, CRM). D’autres n’avaient pas de service dédié au marketing et n’avaient jamais déployé de campagnes de communication autonomes.

Il a fallu faire de la pédagogie, en s’adressant individuellement à chacun des partenaires et en prenant en compte leur niveau de maturité. Nous avons multiplié les moments collectifs et adapté le discours pour réussir à intéresser chacun, en mettant à chaque fois au cœur des échanges les bénéfices du projet.

Nous avons toujours cherché à présenter le projet dans une langue simple, en évacuant tout jargon technique et tout anglicisme. C’est simple, on n’a pas parlé outils pendant les 10 premiers mois ! On a ainsi retiré tous les aspects anxiogènes souvent associés à ce type de projets.

On a commencé par aller voir ce qui se faisait dans d’autres secteurs d’activité, pour pouvoir se projeter : les croisières, la parfumerie, le retail, etc. Cela a été l’une des approches qui a permis d’acculturer les acteurs sur les problématiques et enjeux concrets associés à l’harmonisation des données clients.

Lorsque nous avons vu que les partenaires du projet étaient convaincus, nous avons commencé à introduire des notions plus complexes, à parler outils à ceux que cela intéressait. Cette démarche progressive a porté ses fruits.

5 - Organiser le projet avec des niveaux de pilotage adaptés

– Nous avons mis en place plusieurs niveaux de pilotage, avec plusieurs comités de pilotage pour nous adapter à la volonté d’implication des différents acteurs. Aux comités stratégiques se sont adjoints des comités plus opérationnels et plus techniques. Au total, nous avons déployé 3 niveaux de pilotage, pour que chacun trouve sa place et s’implique au niveau souhaité dans le suivi du projet.

[Découvrez la seconde partie de l’interview de Christophe Lavaut]

Christophe Lavaut, Directeur de la société Val d’Isère Tourisme

Christophe Lavaut dispose d’une longue expérience dans l’informatique, le digital et le marketing. Après avoir gravi tous les échelons des métiers du tourisme de montagne, Christophe Lavaut devient Directeur de la société Val d’Isère Tourisme en 2021 avec pour ambitions de fédérer toujours plus les acteurs de la station et d’insuffler une dynamique digitale au service de l’amélioration de l’expérience client.

Val d’Isère en quelques chiffres :

  • Altitude de la station : 1 850 mètres.
  • Première saison d’hiver : 1932.
  • Lits touristiques : 25 800.
  • Nuitées par saison : 1,5 million.
  • Clientèle britannique : 42%.
  • Contacts embrasés : 105 000.
Antoine Coubray

Interview animée par Antoine Coubray, directeur du développement CustUp.