A la rencontre de Philippe Hervieu, consultant expert en Données Clients et Performance Client

Les données clients ont des usages multiples et croissants. Elles offrent l’opportunité de mieux comprendre ses clients, leur comportement et leurs besoins. Elles permettent aussi de piloter efficacement l’activité et d’améliorer en continue les actions déployées.

Données Clients et Performance Client sont des termes qui se marient très bien. Nous allons aujourd’hui aborder le sujet des dispositifs de pilotage de la Performance Client en compagnie d’un expert du domaine : Philippe Hervieu, Directeur de mission et consultant en Données Clients. Philippe accompagne les entreprises dans l’amélioration de leur performance grâce aux données et au pilotage.

Découvrez la retranscription du témoignage de Philippe Hervieu.

Tu as une formation de statisticien. Qu’est-ce qui t’a amené à t’orienter dans les métiers de la donnée et du CRM ?

– J’ai eu, au cours de mes études de statistiques, l’occasion de faire un stage à l’Université de Strasbourg. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre l’impact des données sur l’analyse et la capacité à anticiper les choses.

J’ai ensuite réalisé un second stage chez Heineken, à Strasbourg. Je devais étudier le trafic de réception des camions dans les entrepôts pour identifier les problèmes qui pouvaient bloquer ou ralentir les flux. Je devais répondre à la question suivante : « Comment anticiper l’arrivée des camions pour que l’activité soit la plus fluide possible et que les chauffeurs attendent le moins possible dans leur camion ? ». J’ai amassé des données pour modéliser le système et identifier des axes d’optimisation.

A ce moment-là, je n’étais pas encore plongé dans l’univers de la donnée clients. J’ai rencontré cet univers plus tard, à l’occasion de mon stage de fin d’étude chez Yves Rocher. Il faut se remettre dans le contexte… A cette époque, la fin des années 1980, personne ne parlait encore de CRM. On était aux débuts d’Excel et on utilisait encore des listings papiers… C’est un autre monde. Par contre, chez Yves Rocher, on s’intéressait déjà beaucoup aux données clients.

Quels sont les principaux bénéfices d’une meilleure exploitation des données clients pour une entreprise ?

Le but du jeu, c’est de comprendre mieux ses clients, d’avoir une meilleure connaissance sur ses clients. Mais attention, l’enjeu n’est pas d’amasser de la connaissance pour amasser de la connaissance. L’augmentation de la connaissance client est en vue de l’action et d’objectifs précis. Mieux connaître pour mieux agir. Par exemple : améliorer l’action commerciale, augmenter la performance d’une activité, optimiser le dimensionnement d’un service, faire les meilleurs choix d’investissement.

Il y a souvent un écart entre ce que l’on imagine du comportement d’un client et la manière dont il se comporte réellement. Ce que la réalité procure n’est pas toujours en adéquation avec ce que l’on pensait. Prenons une image : lorsque l’on dessine un jardin, on construit des chemins, mais les chemins qu’empruntent les promeneurs ne sont pas toujours ceux qu’on pensait. Les visiteurs empruntent des raccourcis, bifurquent. Le seul moyen de connaître le comportement réel du client, c’est d’utiliser les données clients.

La collecte de données est l’outil qui permet de se mettre à la place du client et de voir comment il agit.

Les données clients sont aussi un levier d’innovation. Elles permettent de ne pas rester statique, de se remettre en question, de tester de nouvelles choses, de développer de nouveaux usages, de mesurer leur efficacité. Cela permet aussi aux équipes de mesurer l’impact de leurs actions et de prendre conscience que derrière chaque action, il y a des clients (qui réagissent plus ou moins bien aux actions). En clair, être data-driven permet de devenir customer-centric.

Quelles sont les technologies qui permettent aujourd’hui de mettre en place un dispositif de connaissance client ? Les outils de BI ?

C’est une question d’organisation avant d’être une question de technologies. Cela dépend beaucoup des outils déjà en place au sein de l’entreprise. Il faut réussir à marier des outils compatibles avec ceux existants pour que les échanges de flux puissent se faire et que tous les systèmes communiquent entre eux.

Le principal avantage des outils de Business Intelligence (BI) est qu’ils permettent de visualiser et donc de démocratiser les données. Autrefois, les données étaient la chasse gardée des experts de la donnée. Aujourd’hui, grâce notamment aux outils de BI, on rend accessible les données à un plus grand nombre de personnes. Et maintenant, ce n’est plus la donnée en tant que telle qui est importante, mais la tendance qu’elle évoque, son évolution que l’on peut visualiser grâce aux outils de BI. Les outils de BI permettent de guider le lecteur non-expert vers la compréhension des données et des informations qui s’en dégagent.

Mais, encore une fois, ce n’est pas des outils qu’il faut partir. La manière de construire le dispositif de pilotage va d’abord dépendre des objectifs de l’entreprise. Ce sont les objectifs qui vont déterminer les données dont je vais avoir besoin et la manière de les organiser dans des rapports.

Quels sont les objectifs que l’on rencontre le plus souvent ?

– Le grand classique, c’est de comprendre le comportement du client vis-à-vis d’une typologie d’opérations. Comment le client réagit aux actions que je mets en place ? Et à partir de la réponse que j’obtiens je détermine les meilleures actions à déployer ou à généraliser. Le dispositif de pilotage permet de tester et d’évaluer des actions. Chez Yves Rocher, j’utilisais la donnée pour m’aider à choisir les orientations budgétaires que j’avais à prendre et pour choisir les bons investissements.

Un dispositif de pilotage de la Performance Client sert in fine à mieux agir, à communiquer plus efficacement avec les clients, à être plus performant. Aujourd’hui, par exemple, on parle beaucoup d’engagement client. Il y a plusieurs façons de générer de l’engagement. Un dispositif de pilotage permet d’identifier les moyens les plus efficaces.

Comment procèdes-tu avec tes clients pour construire un dispositif de pilotage et de reporting ?

– Le plus important, c’est de partir du client, de bien comprendre ce qu’il veut, quels sont ses besoins.

Dans une même entreprise, en fonction des services, je peux avoir des objectifs très différents. Parce qu’il y a plusieurs objectifs, il faudra construire plusieurs rapports. Un dispositif de pilotage est constitué d’un ensemble de rapports.

A la diversité des objectifs s’ajoute la diversité des utilisateurs et des niveaux hiérarchiques. Un Top Manager a besoin d’une information très synthétique et très visuelle. Un opérationnel, lui, a besoin d’un reporting plus détaillé. Il y a donc différents niveaux de reporting car il y a différents types d’utilisateurs.

Il faut toujours se mettre à la place de l’utilisateur et comprendre son besoin : qu’est-ce qu’il veut voir ? Quelles sont les questions qu’il pose et auxquelles il veut que le rapport réponde ? Le choix des indicateurs et des modes de visualisation découlent de ce questionnement. C’est la démarche que nous avons mis en place avec le Groupe Rosa, qui possède Linvosges, Envie de Fraise et Françoise Saget.

Qui dit données clients dit aujourd’hui données web. Est-ce que les outils permettent aujourd’hui de correctement gérer ces données issues du digital ?

– Oui, de mieux en mieux. Sur le web, lorsque je visite une page d’un site internet, je ne suis pas forcément identifié. L’identification, ou plutôt la non-identification, est le principal frein à la collecte de données web. Il existe des moyens de contourner ce problème. Dans le Retail, par exemple, la carte de fidélité est un bon moyen d’inciter le client à s’identifier. Il faut trouver des moyens pour que le client ait intérêt à s’identifier. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, on ne pourra jamais tout capter sur le digital.

Les données web posent donc un premier challenge : la collecte. Il y en a un deuxième. Plus une entreprise est présente sur le web, plus elle amasse de données. Toutes ces données ne sont pas utiles. Il faut les raffiner, faire le tri, les distiller pour faire de ces données des informations utiles. Encore une fois, la finalité n’est pas la collecte de données. Les données ne valent que par leur valorisation, qu’elles servent à améliorer un process, une activité, l’expérience client…

Que penses-tu du RGPD et de ses conséquences sur la collecte de données par les entreprises ?

– L’entrée en vigueur du RGPD (règlement général sur la protection des données personnelles) n’a pas été une mauvaise chose selon moi. C’est important de se donner une éthique. Il y avait trop de dérapages par rapport à l’utilisation des données. Des données étaient collectées sans justification. Le RGPD a permis d’éclaircir certaines pratiques et de mettre fin à certaines habitudes douteuses, voire frauduleuses. Ce règlement a aussi amené les entreprises à s’interroger sur les finalités de la collecte. Dans le passé,  on avait tendance à amasser des données dont on ne faisait aucun usage. On les stockait inutilement. Désormais, les entreprises se recentrent sur les données utiles et développent des politiques de transparence vis-à-vis de leurs utilisateurs, clients ou prospects. C’est positif. On remet l’éthique au centre du village.

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Propos recueillis et retranscrits par Jordane Feuillet.

Propos recueillis et retranscrits par Jordane Feuillet.