A la rencontre de Maxime Allain, consultant en Données Clients et en CRM

La donnée clients est le carburant du marketing relationnel et du CRM. Jamais les entreprises n’ont eu autant de données prospects et clients à disposition. Bonne nouvelle ! Mais force est de constater que rares sont les entreprises à pleinement exploiter ce gisement d’informations. Pourquoi ? Parce que les donnée sont rarement unifiées. La dispersion reste la règle dans la plupart des organisations.

Il y a là un vrai enjeu que connaît très bien Maxime Allain, consultant expert en Données Clients et en stratégie client.  Maxime est Directeur de mission CustUp et accompagne depuis plusieurs années les organisations dans leurs projets d’unification des données clients, en B2B et en B2C. A côté de ces aspects technos, Maxime intervient également auprès des entreprises dans l’organisation et l’amélioration du dialogue clients : segmentation, parcours clients, plan relationnel, CRM & marketing automation.

 

Quels sont les étapes et facteurs clés de réussite d’un projet Référentiel Client Unique (RCU) ? Pourquoi cet engouement autour de la CDP ? En matière d’unification des données, quelles sont les différences entre le B2B et le B2C ? Quelles sont les tendances MarTech du moment ? Voici quelques exemples de questions que nous lui avons posées.

1 - Tu es consultant expert en Data Marketing & CRM. Dans ton métier, tu es souvent amené à piloter des « projets RCU ». Peux-tu rappeler à nos lecteurs ce qu’est un RCU ?

Un RCU, c’est un Référentiel Client Unique. C’est une solution qui permet aux entreprises de centraliser dans un seul lieu tous les clients, tous les prospects et toutes les données associées. C’est aussi une solution qui permet de garantir la propreté des données. Le RCU est utilisé pour dédoublonner et dédupliquer tous les clients ainsi que les données issues des différentes sources de l’entreprise. C’est une solution qui garantit d’avoir une donnée qui soit toujours à jour.

Outil d’unification et de mise au propre des données clients, le RCU devient la source de référence du profil client.

2 – Quelles sont les grandes étapes d’un projet RCU ? Comment ça s’organise ?

Un projet RCU comprend 3 étapes principales.

Tout commence par une phase de cadrage où il s’agit de définir les objectifs du RCU et de comprendre la situation actuelle. On va identifier les sources de données dans l’entreprise et faire un inventaire des données existantes. En parallèle, on mène des interviews et des ateliers pour définir le rôle attendu du RCU. La qualification des objectifs et du besoin doit être précise. Ensuite, en fonction de l’écosystème et des cas d’usage attendus, on définit une solution fonctionnelle cible.

Cette première phase est décisive. Elle est l’occasion de se poser toute une série de questions structurantes comme par exemple :

  • Est-ce que la mise à jour des données doit être en temps réel ou non ?
  • Quelles sont les solutions qui vont venir récupérer les données dans le RCU ?
  • Quel périmètre de données souhaite-t-on intégrer dans le RCU ?
  • Est-ce que le RCU doit aussi un rôle analytique ou de reporting ?
  • Etc.

Ensuite, vient la phase de consultation et de choix d’un partenaire. Certaines organisations préfèrent internaliser cette deuxième étape, mais dans les faits c’est très rare. Nous le recommandons rarement au vu des enjeux. Choisir une solution inadaptée au besoin de l’entreprise peut s’avérer très coûteux. Il est souvent plus judicieux de se faire accompagner dans la gestion de l’appel d’offres par un professionnel de la data qui connaît bien le marché des MarTech.

La dernière étape est le pilotage du déploiement et le suivi de l’implémentation de la solution au sein de l’organisation, au moyen d’instances de pilotage : comités projets, comités de pilotage (CoPil).

3 – Y a-t-il des différences entre le B2B et le B2C dans la manière de construire un Référentiel Client Unique ? Les modèles de données sont assez différents…

Oui, en effet, le modèle de données est différent. En B2B, le RCU doit gérer des clients qui sont des personnes morales. Ces dernières sont représentées par des personnes physiques. Il y a donc au moins deux niveaux : le niveau de l’entreprise (du compte) et le niveau de l’interlocuteur (du contact). Chaque contact est défini par une fonction au sein de l’entreprise, par un statut, mais aussi par un rôle… ou plusieurs rôles. Parfois, une même personne peut être influenceur dans une situation et décideur dans une autre. Tout cela génère une complexité qu’on ne retrouve pas en B2C.

Il y a une autre différence entre le B2B et le B2C. En B2B, il existe des sources de données permettant de fiabiliser la donnée. En particulier les sources de données issues de l’administration publique qui permettent d’accéder à des données pivots comme le numéro de SIRET. Il existe aussi de nombreux acteurs privés spécialisés dans la fourniture de données B2B qui facilitent l’enrichissement des données. Ces différentes sources de données permettent d’accéder à des données fiables, de qualité et qui restent à jour dans la durée.

4 – On parle beaucoup des Customer Data Platforms ces dernières années. La CDP apparaît pour beaucoup comme la technologie de référence pour construire un RCU. Pourquoi un tel engouement ? Peux-tu nous rappeler ce qu’est une CDP ?

Une CDP est une Customer Data Platform. L’engouement observé depuis quelques années maintenant s’explique par le besoin de convergence entre d’un côté les données digitales provenant du web et du mobile et, de l’autre côté, les données CRM, les données provenant des bases de données de type SQL. Ces différents types de données sont généralement stockés en silos. Pour avoir une vision client 360, il faut une CDP qui va permettre de rassembler et d’unifier les données de ces 2 mondes.

Souvent, la première finalité de la CDP est de pouvoir communiquer de manière personnalisée avec ces clients. Mais il y a souvent un deuxième enjeu : la connaissance client. Les entreprises qui se tournent vers des CDP expriment aussi le souhait de mieux connaître leurs clients.

Ce deuxième enjeu est tout sauf théorique. C’est une question très pratique : en général, les données existent dans l’organisation, elles sont là, mais en l’absence d’un outil comme une CDP, le travail de préparation et d’agrégation des données devient vite fastidieux. Résultat : les données sont sous-exploitées et dorment dans les bases. Cela génère de la frustration de la part des marketeurs qui ont le sentiment de ne pas avoir un niveau de connaissance client suffisant pour faire face efficacement à leurs problématiques du quotidien : innovation produit, personas, segmentation, etc.

Donc, pour résumer, une CDP est une technologie sur l’étagère qui sert à unifier les données en provenance de toutes les sources pour développer la connaissance client et enrichir le marketing relationnel.

5 – Quelles sont les autres approches possibles pour construire un RCU ?

Il est tout à fait possible d’intégrer son RCU dans une technologie déjà en place dans son écosystème. Par exemple, dans certains cas, nous préconisons d’intégrer le RCU dans le CRM. Cela dépend du cycle de vie des données, de la dispersion des données observée dans l’écosystème IT du client et plus généralement de ce que nous appelons dans notre jargon l’organisation cible de l’entreprise. Le choix de la famille d’outils est une étape structurante dans un projet RCU et la meilleure réponse n’est pas toujours la CDP.

6 – Peux-tu nous donner un exemple de mission de type « Projet RCU » sur laquelle tu as travaillé ?

J’ai travaillé par exemple pour le Comité d’entreprise de la RATP qui a souhaité ajouter une brique à son écosystème pour centraliser les profils clients. En l’occurrence, les clients sont les salariés de la RATP. L’objectif pour le CE RATP est de disposer d’un outil central qui fournisse et garantisse la donnée du client pour toutes les prestations et services proposés : achat de billets spectacles, réservations de vacances, site web, etc.

Dans un autre registre, j’ai accompagné Bouygues sur le cadrage de leur besoin RCU. Pendant ce projet, nous nous sommes posé beaucoup de questions  :

  • Quel réceptacle pour le RCU ? Dans quel système construire le Référentiel ? Dans un système existant ou dans un nouveau système ?
  • Internalisation ou externalisation ?

7 – Quels sont les conseils que tu donnerais à une entreprise qui souhaite unifier ses données clients ?

La première chose est de bien inventorier les données. Ensuite, il me paraît important de se poser avant tout la question des besoins. Que souhaitez-vous faire avec le RCU ? De l’analytique et du reporting ? De la communication ? Assurer des processus opérationnels (de la découverte du client jusqu’à l’après-vente et la fidélisation) ? Avant de se lancer dans la sélection de l’outillage, il faut avoir la tête très au clair sur les objectifs et les attendus du RCU. Bref, il faut vraiment consacrer du temps à la phase de cadrage.

8 – Tu as plusieurs cordes à ton arc, tu interviens aussi sur des projets Marketing Automation. Peux-tu nous en dire un peu plus ? A quoi sert un logiciel de Marketing Automation concrètement ?

Une solution de Marketing Automation est un logiciel qui permet de mettre en place des campagnes de communication auprès des clients en omnicanal. C’est une technologie qui permet aux marques de communiquer auprès de leurs clients avec le bon message, au bon moment et sur le canal le plus adapté : email, SMS, publicité en ligne, site web, mobile (notifications).

9 – Comment organiser efficacement la sélection d’un logiciel de Marketing Automation ?

Tout d’abord, de la même manière que pour un projet CDP, il faut définir les besoins, en l’occurrence la manière dont on veut toucher les prospects et les clients. Cela passe par la définition du plan de communication relationnel. Il faut identifier les moments de vie clé pour chaque persona, les canaux adaptés et enfin entrer un peu plus dans le concret avec notamment l’inventaire des données existantes et la définition des données cibles (à collecter à l’avenir).

A partir de là, nous allons pouvoir lister les cas d’usages cibles à déployer dans les 12-18 mois. A partir de ces cas d’usage priorisés, on déduit les fonctionnalités que la solution de Marketing Automation devra proposer. Le travail de priorisation est important, que ce soit au niveau des cas d’usage ou des fonctionnalités. On peut par exemple distinguer les fonctionnalités clés et les fonctionnalités « facultatives ».

Evidemment, d’autres critères comme la capacité d’accompagnement, la proximité, le coût financier sont à prendre en compte avec une importance relative selon le contexte du client.

10 – Tu accompagnes aussi les organisations dans la sélection de leur outillage CRM. Tu donnerais les mêmes conseils ?

La mise en place d’un CRM est un projet différent car à la fin de nombreux utilisateurs métiers vont s’en servir au quotidien, parfois toute la journée. C’est donc important de prendre en compte les attentes des utilisateurs et aussi leur niveau d’aisance avec l’outil informatique. Dans un projet de déploiement CRM, il est important de prévoir un plan de formation et d’accompagnement adapté.

Nous conseillons toujours d’intégrer plusieurs utilisateurs clés pendant toutes les phases du projet afin de recueillir leur regard critique.

11 – Quelles sont les clés de réussite d’un projet de déploiement CRM ? Quels conseils donnerais-tu aux entreprises qui veulent aujourd’hui déployer un CRM au sein de leur organisation ?

La clé n° 1 est encore une fois de bien définir les besoins. Ensuite, il s’agit de sélectionner la solution adaptée et le partenaire adapté pour l’intégration.

Pour un CRM, ce qui est clé également, c’est comme je le disais à l’instant l’adhésion des utilisateurs. Il faut donc que l’outil soit simple d’usage. Les écrans doivent donc être bien pensés pour afficher la donnée de la manière la plus lisible et la plus accessible. Cet aspect est la partie émergée de l’iceberg sur un projet CRM.

Le pré-requis « immergé » est que les fonctionnalités et les process CRM soient bien décrits et paramétrés, pour chacune des demandes clients existantes. J’ajouterais : qu’ils soient le plus automatisés possible afin d’éviter de générer des tâches lourdes et redondantes pour les conseillers. C’est ce qui fera que le conseiller sera pleinement disponible pour répondre aux demandes du client plutôt que d’être préoccupé par la réalisation de ces tâches dans le CRM. La double saisie est un des problèmes majeurs rencontrés. Voire le pire.

12 – Quelles sont les grandes tendances que tu vois à l’œuvre sur le marché des technologies marketing (MarTech) ? Nous avons parlé des CDP… J’imagine que ce n’est pas la seule tendance…

J’observe qu’il y a une tendance forte au SAAS et au développement du Cloud. Cette approche permet aux entreprises de diminuer le coût d’investissement et de se baser sur des solutions qui ont déjà fait leur preuve et exploré les besoins des utilisateurs métiers. Cela simplifie les projets et simplifie les problématiques quotidiennes de gestion et d’évolution face aux nouveaux besoins exprimés par le métier.

Je pense aussi qu’il y a un besoin fort de mettre en place un écosystème CRM complet avec un ensemble de 3-5 outils qui doivent être cohérents et complémentaires entre eux. Cet écosystème doit servir les grands besoins que sont la connaissance client, la relation commerciale physique et digitale, les communications marketing, le SAV. Cela doit être pensé pour chaque client en fonction de ses enjeux et de son fonctionnement.

13 – Est-ce qu’il y a une question que je ne t’ai pas posée et à laquelle tu aimerais répondre ?

Comme ça, je n’en ai pas qui me vienne à l’esprit. On a déjà fait un bon tour !

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Propos recueillis par Jordane Feuillet.

Propos recueillis par Jordane Feuillet.